Si Asimov avait été UX designer…
Ou comment appréhender le robot en tant que point de contact
Ça y est, les robots débarquent pour de bon dans le champ de l’expérience utilisateur : télé-présence, entretien et surveillance de la maison, accueil, assistance sur le point de vente… De plus en plus de designers UX se retrouvent donc logiquement confrontés à un objet connecté, voire à un robot, dans le cadre de leurs missions. En effet, concevoir un service pour une marque exige maintenant de pousser la réflexion jusqu’à l’intégration de cette nouvelle typologie de point de contact. Et si les agences digitales se retrouvent décontenancées, car souvent inexpérimentées dans ce domaine, que dire du grand public à qui sont destinées ces solutions ?
Aujourd’hui, le bagage méthodologique est encore faible pour les designers et les ergonomes confrontés à la robotique et plus largement à l’IoT. Point de toolkit, de bonne pratique faisant consensus, de protocole de test… Concevoir une expérience avec un robot est synonyme de tâtonnements, d’apprentissage perpétuel et de lutte quotidienne contre ses aprioris.
Bien sûr, on peut toujours se référer aux Trois règles de la robotique énoncées par Isaac Asimov dès les années 40. Ces lois peuvent donner naissance à un certain nombre de règles régissant l’interaction robot-humain(s) et robot-robot(s), mais elles n’ont trait qu’à la sécurité de l’utilisateur et à la préservation, autant que faire se peut, de la machine.
Alors comment s’y prendre ? Voici trois bonnes pratiques à adopter devant la difficulté d’insérer de manière fluide, intuitive et cohérente ce nouveau point de contact dans une expérience utilisateur.
1/ Penser le robot comme un représentant de la marque
Tout d’abord, réfléchir au robot ou à un objet connecté en tant que point de contact, c’est le penser comme un élément faisant partie d’un écosystème obéissant à certaines règles. Tout comme un vendeur, une application ou un site internet, un spot publicitaire, un produit et son mode d’emploi, le robot doit porter les valeurs de la marque qu’il sert.
Dans un premier temps il faut, bien sûr, définir le rôle joué par le robot dans un scénario d’usage macro ainsi que ses caractéristiques en tant que point de contact, telles que décrites par Chris Risdon et Patrick Quattlebaum. Ensuite, son caractère innovant, voire ludique, ne doit jamais faire oublier sa fonction première : répondre à un besoin utilisateur, en s’inscrivant dans un ensemble de dispositifs, digitaux ou non, qui forment un tout cohérent. Le tone of voice adopté, son look & feel, les modes d’interaction et son branding doivent être en parfaite harmonie avec les autres points de contact que l’utilisateur pourra rencontrer au cours de son expérience.
Cette cohérence s’obtient en travaillant le plaisir et la facilité d’usage, de manière égale, à chaque lieu et moment de l’expérience utilisateur. Car c’est bien la qualité de l’intégration du robot au sein d’une offre de services, sa capacité à porter l’univers émotionnel d’une marque et à engager l’utilisateur qui seront déterminantes pour son appropriation par le grand public.
« Eventually everything connects — people, ideas, objects. The quality of the connections is the key to quality per se ». Charles Eames
2/ Tester le plus tôt possible l’appétence des utilisateurs
Souvent, les décisionnaires à l’origine de l’idée d’intégrer un robot ne perçoivent pas l’impact que cela va avoir, pour leur marque et le service qu’ils proposent. Et ce ne sont pas les ingénieurs, trop imprégnés de robotique, qui ont mis au point la technologie qui pourront les aider dans ce sens. Il faut garder à l’esprit que les héros de littérature ou de cinéma sont bien plus avancés que le grand public en la matière ; les robots créent encore aujourd’hui leur lot d’appréhensions et de peurs. Ainsi, parmi les retours de vos utilisateurs, vous devez vous attendre à ce genre de réactions :
• Les robots vont voler le travail des êtres humains !
• Un robot ne peut pas réaliser cette tâche aussi bien qu’un être humain.
• Comment je fais en cas de bug, d’urgence, voire de mise en danger ?
• Comment ça marche ??!! Comment sait-il que je lui parle ?
Il est donc essentiel de tester auprès du public cible et ce, le plus en amont possible, votre scénario d’usage, les modes d’interaction et la réalisation de tâches avec un robot.
Les tests AXE, sont une très bonne solution car ils permettent de tester différents concepts d’un même service, en se basant uniquement sur une projection du testeur à partir de scénarios qu’on lui soumet. Cela évite dans un premier temps d’avoir recours à un prototype, ce qui peut vite devenir chronophage et coûteux quand il s’agit de robots.
La mise en service d’une version bêta, avec une sélection d’utilisateurs qui acceptent de dérouler l’expérience dans un environnement encore en construction, est également une étape primordiale. Le robot peut ne pas avoir de capotage, ne pas être encore connecté à une application ou bien capable de se déplacer par exemple, ce n’est pas grave ! Si les testeurs sont bien mis en situation, cette étape du développement permet d’affiner votre conception.
3/ Co-concevoir : ingénieurs, designers produit et UX au service de l’expérience
Enfin, le robot est une réelle opportunité pour les designers UX de ré-inscrire leur travail dans une machine dont le design peut contribuer à l’expérience : esthétique, toucher, son ou cinétique sont autant de qualités physiques qui vont forger le ressenti de l’utilisateur et contribuer au plaisir d’usage.
Fini les coquilles de sites internet et d’applications, ces ordinateurs, smartphones ou montres connectées sur lesquelles on n’avait pas la main. À l’heure de l’IoT et de la robotique, ingénieurs, designers produit et UX peuvent collaborer de manière plus étroite, synchroniser certaines de leurs itérations, tester ensemble le fruit de leur réflexion… L’expérience utilisateur peut alors s’incarner dans un point de contact physique et numérique, en totale cohérence avec le service conçu et la marque qui le porte.
Collaboration avec une startup, équipe pluridisciplinaire de Recherche et de Développement, fab lab ou hackathon sont autant de formes que peut prendre cette collaboration entre les différents champs du design.