Outil pratique, double humanisé ou présence singulière ?
Quelle(s) forme(s) prendront en 2017 les nouvelles technologies ?
En ce moment de bascule d’une année vers l’autre, nous récapitulons ce qui nous a marqué durant ces douze mois écoulés et tentons de nous projeter dans ce que sera cette prochaine année. Après avoir interagi avec des robots et conçu des services les intégrant, vu l’exposition Persona au Musée du Quai Branly ou encore dévoré la série L’Odyssée du temps écrite par Stephen Baxter et Arthur C. Clarke, je me demande tout particulièrement quelle(s) forme(s) prendra demain la technologie et comment évoluera à sa suite le design d’expérience utilisateur.
Les nouvelles technologies forment un tout de plus en plus imbriqué avec lequel nous interagissons au quotidien, à travers différents types de points de contact et modes d’interaction, bref une entité à part entière. Tenter de dessiner les contours de cette entité, c’est peut-être s’interroger sur la façon dont nous la percevons en tant que personne ?
1/ Un médiateur utile ?
Personare (racine latine de persona) : parler à travers
Si nous concevons la technologie uniquement comme un moyen d’accélérer et d’amplifier nos volontés et actions avec le moins de contraintes possibles, ses contours disparaîtront. Elle sera toujours plus ubiquitaire et tendra à devenir invisible, dissoute dans notre environnement.
Ainsi, déjà aujourd’hui résonne souvent la phrase « no interface is the best interface ». Mais on peut se demander si rendre la technologie transparente et intangible (majordome virtuel comme Alexa d’Amazon, Li-Fi ou internet par la lumière, Holoportation de Microsoft, etc.), ce n’est pas la cantonner à un seul rôle, celui de nous aider à mieux interagir entre nous, en parlant et en agissant à travers elle.
Mais qu’en est-il s’il faut nous adresser directement à elle ? Quelle forme donner alors à cette entité technologique pour en faire un véritable interlocuteur ?
2/ Un double savant humanisé ?
Persona : personne fictive synthétisant les connaissances sur un groupe d’individus
Le succès rencontré pour les chatbots, les progrès perpétuels de l’IA ou les robots à l’allure humanoïde toujours plus élaborée sont autant de facettes d’une même tendance à vouloir humaniser les nouvelles technologies. En effet, ces différentes formes sont élaborées à partir de nos connaissances du fonctionnement humain, afin de s’en approcher au maximum.
Mais alors la machine connectée de demain nous ressemblera-t-elle ? Sommes-nous à ce point fascinés à l’idée d’avoir un double ? Cette capacité à bouger, réfléchir, parler comme nous, aurait-elle la vertu de nous rassurer en tant qu’utilisateurs ? Il est vrai que pouvoir anticiper les réactions d’un système et se libérer de l’apprentissage de nouveaux modes d’interaction sont des vecteurs forts d’adoption d’une technologie. Mais, dans cette course à la ressemblance, le risque nous guette de chuter et de se perdre dans la vallée de l’étrange, théorisée par le roboticien Masihiro Mori.
Bots are personas, whether or not it’s intended.
Bien sûr, nous avons tendance à voir de l’humain en tout comme l’a prouvé dès 1944 l’expérience de Heider et Simmel. Et oui, comme l’explique IDEO, nous ne pouvons nous empêcher d’imaginer un individu sexué doté d’un caractère derrière un chatbot. Mais pourtant, rien ne nous dérange plus qu’une simulation dissimulée du comportement humain.
Finalement, de l’automate au droïde, il semblerait que les machines passent trop de temps à essayer maladroitement de nous ressembler au lieu d’affirmer leurs particularités.
3/ Une présence singulière ?
Persona : potentiel à s’affirmer comme présence singulière (autre définition proposée dans l’exposition Persona)
Au final, plus qu’à la coquille ou à la forme de la boîte, c’est au service rendu que nous nous attachons. Ce à quoi nous tenons, ce sont les données amassées sur nous-mêmes et notre foyer, sur notre réseau d’amis et de followers… La valeur de notre relation avec cette entité technologique grandit avec la connaissance affinée, interaction après interaction, que chacun, individu et technologie, a de l’autre.
De l’argile nous faisons un pot mais c’est le vide à l’intérieur qui retient ce que nous voulons. Lao Tseu
La valeur se déporterait donc, de l’enveloppe physique que l’on peut posséder, au service rendu et à l’accès à la data. Ainsi, la capacité de la technologie à surgir au bon moment (« OK Google ») et à s’incarner dans différents objets de notre quotidien pour les animer au moment jugé utile, semble être ce qui nous fascine le plus. Aujourd’hui par exemple, des lunettes de réalité augmentée, un écran équipé de la technologie du floating touch ou une montre connectée sont autant d’objets et de formes dans lesquels peuvent s’incarner les nouvelles technologies.
Le caractère protéiforme des nouvelles technologies est indéniable. La manière de concevoir les expériences et dispositifs dans lesquels elles s’intègrent sera en adéquation avec la façon dont nous les percevons et les utilisons : outil facilitant nos interactions avec nos semblables et notre environnement, double à l’allure humaine ou présence singulière animant de multiples points de contact physiques ?
“Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie” Arthur C. Clarke
De mon côté, j’aime penser notre utilisation des nouvelles technologies comme un moment magique. Après tout, leur caractère secret (peu de gens savent aujourd’hui comment ces dernières fonctionnent), leur capacité de métamorphose ainsi que leur caractère participatif en font bien des entités magiques, telles que décrites par Mireille Berton.
Et vous, quelle forme envisagez-vous pour les technologies de demain ?